LES JURYS POPULAIRES

 

Il est question ces temps-ci d'un projet concocté par le gouvernement : celui des Jurys populaires.

L'affaire a été résumée par cette phrase : « La Justice est rendue au nom du peuple français, désormais elle sera aussi rendue par le peuple français ». C'est clair, c'est net, pas besoin de discours, le peuple français sera content. On lui rend sa démocratie. A noter que ce projet ne concerne que les affaires en correctionnelle...pour l'instant...Il faut prendre son temps, le peuple est si fragile !

 

Malheureusement, il oublie qu'on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre et ne voit pas ce qui peut devenir un piège. En effet, s'appuyer sur la démocratie et d'en appeler au peuple comme juré incorruptible, c'est risquer d'ouvrir la voie dangereuse du populisme (rendre le pouvoir au peuple. Peut remettre en question les formes de la démocratie au profit d'un autoritarisme s'appuyant sur des institutions censées être authentiquement au service du peuple).

 

En Gaulle, en France et jusqu'à la Révolution, la démocratie est un sujet tabou, verrouillé par l'Eglise et l'Aristocratie. Les rares ayant quelques connaissances de l'antiquité Grecque préfèrent l'oublier.

Sous l'Ancien Régime, le pouvoir est royal. «  Le roi crée les juridictions, leur donne compétence et arbitre les complots qui surgissent entre elles. »Autant dire qu'avec le principe du droit divin et des lettres de cachet,  la justice est aux ordres de l'arbitraire. Le peuple, qu'on appelle encore '' les manants '' n'a qu'un droit : celui de se taire. Il faut donc changer cela, il va s'en occuper.

 

Avec la Révolution de 1789 la démocratie se réveille. Les jurys populaires vont être créés mais avec quelques restrictions : il faut être propriétaire pour être juré, ce sera la première bulle immobilière.

La suite, on la connait. Les tribunaux changent de maîtres, le Comité de salut public (un beau nom tout de même) est mis en place. Son président le plus célèbre, Fouquier-Tinville, nommé par Robespierre, envoie au nom du peuple, de la liberté, de l'égalité et de qui vous voudrez, pas moins de 2627 personnes au couperet en un an ! Beaucoup de magistrats les rejoindront d'ailleurs sur l'échafaud, comme quoi !

Le principe démocratique va faire long feu.

A la fin, le peuple fatigué de l'horreur, abandonnera les pouvoirs qui lui restent au bénéfice d'un petit caporal qui va le faire manœuvrer et disparaître pour partie dans les neiges de Russie et la plaine de Waterloo.

 

La Révolution bolchevique. Mêmes éléments. Pour le peuple et par le peuple, on se dirige à marche forcée vers la '' Dictature du Prolétariat '' Tu parles ! On imite 1789, on supprime les tyrans (le Tsar et sa famille) et pas mal d'autres. Et bien entendu, toujours au nom du peuple, quelques redresseurs de torts de sinistre mémoire s'installent au pouvoir. Les plus célèbres : Staline et Béria, finiront d'ailleurs, eux aussi, comme leurs victimes. (Staline, on ne sait pas trop...). Des millions de moujiks, proies de ces humanistes, nous rappellent les drames du goulag et de la déportation dans le silence et l'oubli. Finalement le peuple se révoltera un jour, mais, actuellement, est-il beaucoup plus heureux ?

 

Hitler. Quoique férocement antidémocratique, Hitler est élu avec le soutien de la majorité de son peuple. Il faut le faire ! Il le récompense en donnant son nom à une voiture : la Volkswagen, et  l'envoie, lui aussi,  manœuvrer et disparaître pour partie dans les neiges de Russie. Quant au reste ...

 

Le régime de Vichy. Conséquence de la plus belle déculottée de son histoire, la France se jette dans les bras d'un vieillard, encore bon pied  bon œil, qui  fait don de sa personne au '' pauvre peuple de France '', mais ce n'est pas Jeanne d'Arc ! D'une belle devise qu'il dénature pour toujours, il fait le panache de son pouvoir. Sa justice populiste, ses tribunaux, ses jurys, n'en parlons pas. Mais répétons-le, Il a fait don de sa personne à la France, c'est-à-dire au peuple français, bon grand-père protecteur qui va l'utiliser pour sa propre gloire tout en le remettant au pas. Il a facilité la défaite par son archaïsme militaire, prêché le racisme et pratiqué la collaboration. Des français disparaîtront,  encore une fois, dans les neiges de Russie...

 

Alors le chant des violons !... Que l'on remette l'institution judiciaire sur les rails, d'accord ! Risquer de remplacer la sérénité par la violence des fourches, pas d'accord ! Que les représentants du peuple soient sanctionnés par les urnes, c'est juste ! Qu'on demande au peuple de surveiller directement la justice, c'est risquer le subjectif, l'expéditif, les cris de vengeance de la rue,  l'incontrôlable...et la récupération. L'équilibre est sensible et c'est pourquoi la Culture, puissant vecteur de réflexion, est si nécessaire. La lecture de   ''L'esprit des lois'' de Montesquieu, un enfant du pays, remettrait en place la jugeote de certains chez qui la séparation des pouvoirs n'est pas en odeur de sainteté.

Entre Démocratie et Autocratie, même républicaine, rien de plus qu'un hold-up agrémenté de quelques belles promesses... Affaire à suivre.

 

D. Bac. Le 15 02 11

 



15/02/2011
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